Accelération scolaire: La solution?

Depuis le Québec, François Neveu, psychologue expert dans le domaine de la douance, Line Massé, professeur au département de psychoéducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières et Luc Baillargeon, directeur de l’innovation et du développement pédagogique au collège de Champigny, plaident pour des programmes d’accélération bien préparés, organisés et ciblés sur les besoins de certains élèves à haut potentiel.

Il est intéressant de s’inspirer des réflexions de ces professionnels de l’éducation et de la pédagogie, tous trois hautement compétents en matière de douance (haut potentiel) qui prônent la nécessité d’offrir aux élèves, dans certains cas, un programme raccourci. Étudions l’exemple du collège de Champigny dont le cursus secondaire (équivalent français de la sixième jusqu’à la seconde incluse) sera réduit d’un an au cours des 3 premières années.

L’intérêt du raccourcissement de cycle

En France, l’accélération serait plutôt une adaptation par défaut proposée lorsqu’on ne sait plus comment nourrir intellectuellement les élèves à haut potentiel qui manifestent de l’ennui. Or ce n’est pas une solution miracle, ni la seule, et s’ils ne sont pas accompagnés l’accélération ou le saut de classe peuvent perdre de leur intérêt passée la première période de découverte et d’adaptation.

La finalité annoncée est de répondre réellement au rythme différent et à l’ennui massif qui engendre un désinvestissement scolaire (à différencier de l’ennui ponctuel que tous les élèves peuvent vivre à un moment donné mais qui n’est pas un état représentatif pour une majorité d’entre eux).

Dans notre système scolaire, plus on intègre tout le monde dans la même classe, plus le rythme diminue. Le principal enjeu, c’est l’ennui. Y a-t-il des effets catastrophiques ? Non, il n’y a pas de décrochage massif. La plupart font avec, mais quand on arrive avec des programmes intéressants, ça les stimule.

François Neveu

L’erreur serait de croire que l’accélération à elle seule peut suffire à susciter assez d’intérêt pour les enfants précoces, indépendamment des considérations de rythme (ils apprennent toujours aussi vite donc rattrapent rapidement les autres), de contenu (répétitions aussi nombreuses dans l’année supérieure) et de difficulté (sont-ils réellement confrontés à un effort ?).

Ce sont au départ des élèves qui, typiquement, ne parviennent pas à répondre à la question, souvent maladroite de la part des parents, suivante : qu’as-tu fait d’intéressant aujourd’hui ? Et même en supprimant l’adjectif intéressant, certains d’entre eux éprouvent un réel sentiment de vide et ne donnent pas l’impression de vivre des moments de satisfaction.

Pour bien réussir une accélération, Line Massé, professeure titulaire au département de psychoéducation à l’Université du Québec à Trois-Rivières, prévient qu’il ne faut pas simplement voir la matière plus rapidement. Il faut en voir moins. Une mauvaise forme d’accélération serait de voir plus vite tout ce qu’il y a au programme. Les élèves doués ont besoin de moins d’exercices pour faire des apprentissages. Donc on peut enlever des exercices une fois que la matière est maîtrisée.

Cette question de rythme ou de faculté de compréhension, est cruciale et à mon sens encore trop peu soulevée ou étudiée pour comprendre comment les satisfaire. Il n’est pas rare qu’un deuxième saut de classe soit lui aussi envisagé, par défaut, lorsque le contenu pédagogique est insuffisant et que les spécificités d’apprentissage des élèves à haut potentiel ne sont pas bien intégrées, comme l’explique Line Massé.

À qui cela s’adresse-t-il ?

Ce programme dédié aux enfants à haut potentiel n’est pas présenté comme la solution unique mais comme l’une d’entre elles, favorable à certains profils d’enfants.

Les critères d’acceptation des élèves sont clairement expliqués ci-dessous par le directeur du collège, qui souligne notamment la nécessité de l’investissement de l’enfant dans ce type de cursus qui doit correspondre à sa personnalité et non à une idée toute faite sur le haut potentiel.

La sélection des élèves sera rigoureuse, promet Luc Baillargeon. Notre but est de comprendre le profil du jeune qui veut entrer dans la démarche. Il serait irresponsable d’accepter quelqu’un qui ne peut pas supporter une compression des apprentissages. Nous regarderons les bulletins, mais il y aura des tests psychométriques pour évaluer la maturité, l’engagement et la créativité. Il faut d’abord servir le besoin du jeune, pas le souhait du parent. Des spécialistes évalueront les élèves avant de les admettre dans le programme. En matière d’inclusion, ils suivront les mêmes cours de musique, de danse ou de sport que les autres.

L’accélération telle que présentée me semble une très bonne solution pour une partie des enfants à haut potentiel et il est souhaitable que les offres allant dans le sens de la reconnaissance de leurs besoins spécifiques se multiplient.

La médiatisation du sujet du haut potentiel veut en donner une image élargie. Or à travers cet élargissement les compétences et besoins intellectuels sont quelque peu relativisés. Même si les profils d’enfants à haut potentiel sont divers, et s’ils ne correspondent pas tous à des stéréotypes, l’enfant studieux, qui aime apprendre, découvrir, et s’épanouit dans les livres et à travers les apprentissages divers et variés, existe aussi et représente une part importante des élèves surdoués. Cela pourrait être le cas de l’élève brillant ou autonome. Fournir un cadre sécurisant, axé sur les apprentissages et l’encourageant dans sa volonté d’apprendre et ses efforts, est de bon augure pour ce type d’enfant.

Nous vous invitons vivement à lire l’article dans son intégralité car il met vraiment l’accent sur les besoins au cas par cas des enfants et soulève l’idée que la douance englobe différents profils d’élèves sur lesquels il est indispensable de se pencher individuellement afin de leur proposer une solution aussi appropriée que possible.

Je me permets enfin de commenter cette remarque :

Il faut d’abord servir le besoin du jeune, pas le souhait du parent.

Je pense que les 2 sont liés et que les parents souhaitent simplement que les besoins de leurs enfants soient compris et pris en charge. Ils n’ont d’autre souhait que l’épanouissement de leurs enfants, et ont besoin de l’aide de professionnels compétents qui soient à même de leur proposer une pédagogie adaptée.

Si les parents ne sont pas forcément à la meilleure place pour évaluer l’efficacité des programmes scolaires, ils sont par contre capables d’évaluer le bien-être de leurs enfants et sont bien souvent malgré eux le réceptacle de leurs frustrations et difficultés diverses. Aussi est-il utile de travailler de concert, d’écouter toutes les personnes qui ont les enfants en charge, enfants, parents, psychologues, enseignants, afin d’avancer ensemble vers des solutions individuelles pérennes.

Laisser un commentaire