Aider l’autre, c’est s’aider soi : pourquoi l’altruisme nous fait du bien

Assommés par les actualités anxiogènes de ces derniers mois, il ne nous aura jamais fallu autant d’efforts pour anticiper un potentiel meilleur à venir et voir le verre à moitié plein. En réponse à un monde qui oppresse, la tendance serait même au repli sur soi, comme l’explique le journaliste et essayiste Vincent Cocquebert, dans son récent livre La civilisation du cocon (1). Seulement pour sortir de la morosité, nous gagnerions certainement beaucoup plus à prendre la direction opposée, en s’ouvrant aux autres et en agissant. Chercheur en psychologie sociale, Christophe Haag (2) l’affirme : «Face à cette sinistrose ambiante, un des meilleurs remèdes pour réguler ses états émotionnels est d’aider les autres».

L’encouragement à se tourner vers autrui pour aller mieux peut paraître naïf ; pourtant, quand on mène une action positive, une savante mécanique se met en place dans le cerveau et participe à notre apaisement. «Des études tendent à montrer que certaines régions du cortex préfrontal sont modifiées lorsque l’on fait une action positive, informe Christophe Rodo, neuroscientifique (3). Cela participe vraisemblablement à la libération de certaines molécules comme la dopamine, liée aux sensations de plaisir.» L’histoire est simple : rendre l’autre heureux et le voir l’être, nous grise, et nous rend également heureux.

L’altruisme participe vraisemblablement à la libération dans le cerveau de certaines molécules comme la dopamine, liée aux sensations de plaisir. Ce jeu des hormones optimise aussi notre bien-être en diminuant le stress et l’anxiété. Selon le chercheur en psychologie sociale Christophe Haag, les personnes ayant pour habitude de se tourner vers l’autre et de produire des actes bienveillants, sécréteraient même 23% moins de cortisol – l’hormone du stress – que les autres. S’enclenche ensuite un mécanisme vertueux, qui maintient l’altruiste en meilleure santé. «Ces personnes produisent plus d’ocytocine (l’hormone dite de l’amour, de l’attachement, NDLR), poursuit Christophe Haag. Ce faisant, de l’oxyde nitrique, une molécule, est libérée et dilate les vaisseaux sanguins. L’individu baisse ainsi sa tension artérielle et protège son cœur des risques cardiovasculaires.» Selon le spécialiste, le généreux vieillit mieux que les autres, est en meilleure santé physique et psychique, et jouit d’une espérance de vie plus longue.

Un sentiment de contrôle retrouvé

Il faut aussi bien saisir que la proximité sociale est un besoin psychologique fondamental. Sans elle, l’individu se fane. «Plus l’on prend soin des autres et de la relation, plus on renforce le sentiment de lien social, qui augmente à son tour notre sentiment de sécurité affective», précise Rebecca Shankland, professeure de psychologie à l’Université Lumière Lyon 2 et auteure de Ces liens qui nous font vivre : Éloge de l’interdépendance (4). Se tourner vers l’autre, l’aider, permet de se sentir utile et de gonfler l’estime de soi. «C’est d’ailleurs la vision du philosophe Nietzsche, rebondit Florian Cova, professeur assistant au département de philosophie de l’Université de Genève. Selon lui, derrière l’altruisme se cache le besoin de se sentir bon et meilleur que les autres.»

Symboliquement parlant, agir pour les autres nous permet aussi de redevenir maîtres de notre quotidien et de moins subir. Une aubaine, après deux ans de pandémie qui nous ont confrontés à l’inconnu, plongé dans l’incertitude. «On retrouve un sentiment de contrôle sur la situation via des actions concrètes menées au quotidien, commente Rebecca Shankland. Grâce à la satisfaction ressentie et au sens que cela peut nous apporter, on améliore aussi son bien-être.»

Cette quête de sens, justement ; de but, ce besoin de servir à quelque chose, nous anime toutes et tous, rappelle le professeur Florian Cova. Il poursuit : «Ce sens, on le trouve en ayant l’impression de participer à une œuvre collective». Alors à chacun ensuite de trouver son terrain de jeu. Pour certains, il s’agit de trouver du sens sans son travail ou de s’investir en aidant sa famille. Pour d’autres, l’altruisme consistera à s’engager dans l’associatif, à embrasser une cause humanitaire, ou simplement à se montrer présent et à l’écoute de celles et ceux qui entourent. Mais pour parvenir à être disponible pour les autres, encore faut-il s’assurer un niveau suffisant de bien-être personnel. «De nombreuses recherches montrent que les émotions positives encouragent les gestes altruistes, précise Rebecca Shankland. Alors on s’accorde du temps pour se ressourcer et ensuite favoriser des relations de qualité. Ces dernières représentent la dimension la plus importante pour maintenir une bonne santé mentale.»

Par Clémence Dubrana

Publié le 07/05/2022 : madame.lefigaro.fr

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